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[Série Technique] Une innovation énergétique en immeuble résidentiel : la géothermie sans forage

Publié le 30 September 2025

La rénovation énergétique du système de chauffage des bâtiments peut se heurter souvent à des contraintes techniques : manque d’espace, impossibilité de forer pour capter la géothermie, intégration paysagère. Face à ces obstacles, une nouveauté technologique ouvre des pistes : les panneaux géothermiques sans forage. Nous nous sommes entretenus avec Aurélien BARLET et Arnaud GUILLOT chez CIEC, entreprise ayant réalisé les travaux d’installations de panneaux géothermiques dans la résidence Paris Habitat du 11ème arrondissement de Paris, immeuble pilote en France.

Une technologie innovante, sans contrainte de forage et un projet pilote

En février 2025, Paris Habitat, bailleur social de la capitale, en partenariat avec ENGIE Solutions (via sa filiale CIEC) et l’entreprise suisse Enerdrape, a inauguré la première installation française de panneaux géothermiques dans un parking souterrain. Le site accueillant cette solution technique est une résidence du 11ème arrondissement, avenue Philippe Auguste, qui comprend 72 logements sociaux. L’initiative s’inscrit dans le cadre du Plan Climat de la Ville de Paris et illustre la volonté d’expérimenter des solutions innovantes au service de la performance énergétique et du confort des habitants. Le principe repose sur l’installation de panneaux géothermiques verticaux le long des parois du parking souterrain. Ces panneaux captent l’énergie thermique stockée dans le sol et les structures environnantes, laquelle est ensuite valorisée par une pompe à chaleur eau/eau.

Shéma du panneau géothermique
Shéma du panneau géothermique
Shéma de l'installation complète
Shéma de l'installation complète

 A gauche : Le panneau géothermique Enerdrope intègre un circuit de tuyauterie en boucle fermée, dans lequel un agent caloporteur échange de la chaleur avec le sous-sol. Le design permet d'absorber à la fois l'énergie géothermique peu profonde provenant du sol environnant et l'énergie résiduelle présente dans l'air.

 

A droite : Une pompe à chaleur est connectée aux panneaux. Elle transfère la chaleur absorbée au système énergétique de distribution du chauffage, ou du raffraichissement selon les besoins.

Alors, pour que l’installation soit efficace, il est préférable en premier lieu que le panneau soit en contact direct avec de la terre. Ça veut dire qu’on ne doit pas avoir derrière un couloir, un autre logement ou encore des réseaux de tuyaux.

Ensuite, comme la chaleur est récupérée par conduction thermique, la qualité du contact est essentielle : idéalement, il faut que le mur soit bien plat. Il existe aussi une attention particulière concernant la présence d’amiante : elle ne bloque pas forcément le projet, mais elle demande de prendre des précautions supplémentaires. 

Aurélien BARLET et Arnaud GUILLOT

CIEC

Pour fonctionner, cette technologie nécessite la présence d’un local technique dans lequel installer la pompe à chaleur et les équipements hydrauliques associés. Ce point doit être vérifié en amont, car il conditionne la faisabilité de l’opération. Dans le cas de la résidence de Paris Habitat, le local destiné à une ancienne cuve fioul a permis la mise en place de la PAC Eau/Eau nécessaire. Il est toutefois possible de créer un local technique à partir d’emplacements parking.

La Pompe à Chaleur Eau/Eau au sein du local technique de la résidence Paris Habitat © CIEC

La question de la taille et de l’emplacement se pose forcément. Un local technique est nécessaire, mais il peut aussi être créé si jamais il n’existe pas déjà. On peut ainsi imaginer utiliser l’équivalent d’une ou deux places de parking. Il n’y a pas de contre-indication particulière à installer une PAC dans un parking : un simple local grillagé peut suffire.

 

Autre option : utiliser la chaufferie. L’emprise au sol de l’installation est relativement réduite. Comme on le voit sur la photo, une vingtaine de mètres carrés est suffisant.

 

L’essentiel, c’est vraiment d’anticiper la discussion avec les copropriétaires, pour leur montrer que c’est une condition nécessaire au projet. 

Aurélien BARLET et Arnaud GUILLOT

CIEC

Concrètement, une PAC Eau/Eau fonctionne en exploitant la chaleur captée par de l’eau ou un autre fluide circulant dans les panneaux. Ce fluide, légèrement réchauffé par les murs (il existe une différence de 2 à 3 degrés entre l’entrée et la sortie des quatre panneaux géothermiques mis en série) transmet ses calories à la pompe à chaleur qui élève la température et la restitue au réseau de production d’eau chaude sanitaire de l’immeuble. C’est un système performant et stable, car la température du sol reste relativement constante tout au long de l’année, garantissant une production régulière.

 

Quelques détails de l’installation existante 

  • 145 panneaux ont été posés sur une surface de 145 m² (avec une dimension pour chaque panneau individuel de 0,74m*1,44m).
  • L’installation a été réalisée en seulement 3 mois, sans impact majeur sur l’usage du parking.
  • La PAC eau/eau installée affiche une puissance de 25 kW, pour une production annuelle d’environ 70 MWh.

Panneaux géothermiques et démarche ENR’Choix

 

La démarche ENR’Choix a été conçue par l’ADEME pour aider les copropriétés et bailleurs à identifier les solutions énergétiques les plus pertinentes selon leur contexte bâti. Elle distingue plusieurs familles : énergies renouvelables (solaire, bois, géothermie profonde…), raccordement à un réseau de chaleur, mais aussi énergies non délocalisables à créer, c’est-à-dire valorisables sans transport.

À ce titre, la technologie des panneaux géothermiques sans forage se positionne clairement dans cette catégorie. Elle exploite directement la chaleur stockée dans les parois et le sol d’un parking souterrain, sans besoin d’apport extérieur ni forage profond. Comme pour d’autres formes de récupération de chaleur, elle valorise une ressource présente sur place et jusque-là inutilisée, ce qui en fait une option complémentaire aux solutions renouvelables présentes dans la grille d’analyse ENR’Choix.

Installation de panneaux géothermiques ©CIEC

Limites et conditions de mise en œuvre

Malgré ses atouts, la technologie requiert certaines conditions préalables. Il est nécessaire de vérifier que les parois du parking donnent bien sur un sol naturel, et non sur un autre parking ou une structure mitoyenne, afin de garantir l’efficacité du captage géothermique. De même, la production d’énergie n’est pertinente que si le site est aujourd’hui alimenté par une énergie carbonée, au moins en partie, afin de générer un gain climatique significatif. Enfin, l’implantation des panneaux doit tenir compte d’éventuelles contraintes physiques (présence de locaux techniques, de gaines, de piliers ou d’autres obstacles) pouvant limiter la surface disponible.

Plus on a de longueur de mur droit, plus c’est simple à installer. Si on est face à un mur bien rectiligne, c’est l’idéal. La géométrie du parking joue donc un rôle important : plus c’est simple, mieux c’est.

 

Côté cuvelage, s’il est en interne, ça pose un problème parce qu’on doit percer un peu dedans ; si c’est externe, aucun souci.

 

Et dernier point : la présence d’humidité sur les murs peut même être un avantage, parce que cela améliore la performance ! 

Aurélien BARLET et Arnaud GUILLOT

CIEC

Au sein de la résidence de Paris Habitat, il avait été choisi de faire circuler de l’eau glycolée dans les panneaux géothermiques. En effet, ajouter du glycole dans de l’eau permet d’abaisser la température à laquelle le fluide gèle. Cette précaution avait été prise et avait ajouté un surcoût à l’opération.  Désormais, il a été décidé de ne plus faire circuler de glycole dans le fluide : l’eau sera utilisée pour le transport des calories dans l’ensemble des opérations à venir.
Toutefois, il a été décidé de continuer pendant une année avec de l’eau glycolée dans le cas de la Résidence Paris Habitat pour avoir une année de référence et pouvoir estimer les gains obtenus par un passage à de l’eau uniquement.

Bénéfices énergétiques et environnementaux

Cette installation permet de couvrir environ 25 % des besoins en eau chaude sanitaire annuels des 72 logements de la résidence. Les impacts sont significatifs : près de 15 tonnes de CO₂ sont évitées chaque année par rapport à une production au gaz. Le dispositif, intégré dans les parkings souterrains, ne génère pas de nuisances auprès des résidents. Une attention particulière devra cependant être portée aux potentiels chocs entre les voitures et les panneaux.

Cet été, le taux de couverture d’ECS était de 50%, c’était plus que ce que nous avions envisagé.

Aurélien BARLET et Arnaud GUILLOT

CIEC

Avec un coût d’investissement de 110 000 €, ce premier projet résidentiel illustre la faisabilité économique et technique de cette nouvelle technologie. L’ambition de faire un projet exemplaire s’est accompagnée d’une volonté de maximiser l’espace utilisable. Une des raisons fortes de ce coût, hormis l’utilisation de l’eau glycolée, réside dans l’installation de panneaux géothermiques au sein de la rampe entre deux niveaux de parking. Les contraintes d’angle pour la pose et de tuyauterie non linéaire ont entraîné des études techniques supplémentaires ainsi que des travaux de pose plus complexes.

 

Le coût de fonctionnement est « similaire » à celui d’une PAC Air/Eau : les panneaux ne nécessitent pas d’entretien particulier, hormis une visite régulière pour identifier d’éventuelles fuites (des capteurs de pression existent également), ainsi qu’une vérification les conséquences potentielles des impacts avec les véhicules. La PAC, de son côté, requiert une visite annuelle. Ce suivi s’inscrit dans le contrat d’entretien P2 complémentaire avec Paris Habitat. Lorsque CIEC n’est pas exploitant, un contrat d’assistance, de garantie constructeur et de performance est prévu pendant deux ans ; à l’issue de cette période, le client peut choisir de prolonger ce contrat ou de confier la gestion du système à l’exploitant.

Un atout supplémentaire des PAC Eau/Eau, qui peuvent être installées avec les panneaux géothermiques, est leur capacité à produire chaleur et froid : elles peuvent être réversibles. Les panneaux, eux, ne servent qu’à capter la ressource géothermique. Toutefois, à la différence des PAC Air/Air ou Air/Eau, la chaleur dégagée lors de la production de froid n’est pas relancée dans l’air mais pourrait être restituée dans les murs des parkings. Cela permet de stocker cette chaleur pour la production de chaud, et ainsi de ne pas amplifier les effets d’îlots de chaleur urbain.

 

Plusieurs typologies de fonctionnement sont possible

  • Une utilisation de la PAC comme chauffage en hiver et un mode refroidissement en été. Cela permet de maximiser le stockage de la chaleur dans les murs en été et de se concentrer sur un système complémentaire pour les besoins d’ECS en été. Ce système conviendra parfaitement aux entreprises du secteur tertiaire.
  • Une utilisation mixte de la PAC en été pour faire à la fois du refroidissement la journée et du chauffage de l’ECS la nuit. Cette utilisation ne permet pas de la stocker de la chaleur pour les saisons froides mais pourrait convenir très bien aux besoins d’un immeuble collectif.

Une expérimentation qui pourrait répondre aux défis des copropriétés ?

Pour les bailleurs sociaux et les copropriétaires, cette technologie pourrait constituer une nouvelle solution à la production de chaleur ou d’Eau Chaude Sanitaire à leur arc. Elle n’est pas contrainte par la nécessité de forage profond et évite ainsi les conditions liés à l’hydrographie du terrain ou aux procédures administratives complexes. Sa mise en œuvre rapide limite les gênes pour les occupants, tout en améliorant la performance énergétique du bâtiment.

Le potentiel de réplication de cette innovation existe et s’appuie sur des espaces souvent sous-exploités. Les grandes métropoles disposent de nombreux parkings souterrains qui représentent autant de surfaces exploitables pour capter l’énergie du sol.

Ce projet constitue une première en France. Il ouvre de nouvelles perspectives, mais nécessite encore un suivi attentif pour valider les performances réelles dans le temps : stabilité des rendements saison après saison, fiabilité des équipements, coûts d’exploitation et de maintenance. Les retours d’expérience des prochains mois seront essentiels pour mesurer la reproductibilité de la solution et confirmer son intérêt dans d’autres résidences ou copropriétés. Ces premiers tests doivent donc être considérés comme une étape d’expérimentation, destinée à préparer un éventuel déploiement à plus grande échelle.

 

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